Par rapport aux fléaux déclarés « prioritaires » (drogues, mortalité liée à l’alcool ou au tabac, accidents mortels de la route, mais aussi illettrisme, non respect des autres...), la réponse de fond se situe bien, au-delà de la répression, dans l’apprentissage et la compréhension de la réalité des choses : si je sais les dégâts et les souffrances causés par une drogue, n’ai-je pas beaucoup moins de chance de me laisser prendre à son piège ?
L’apprentissage de la complexité du corps humain et de ses équilibres internes n’est-il pas insuffisant, pour que tant de gens tournent le dos à de telles évidences ? (la multiplication des risques de cancer liés à la cigarette, la dépendance aux drogues, les risques d’accidents mortels au guidon d’un scooter sans casque...).
Que dire de ces adultes qui laissent leur enfant non attaché à la place avant de leur véhicule, ou qui roulent à pleine vitesse à 5 mètres du véhicule précédent ? N’ont-ils pas oublié (où n’ont-ils jamais appris) les forces considérables qui s’exercent sur un corps brutalement stoppé dans sa course, et les dégâts physiologiques causés ?
Ne sont-ils pas à l’image de la société actuelle, qui tourne tous les jours le dos à des évidences majeures :
-« évidence écologique » : On ne peut que constater la dégradation des équilibres naturels sous l’action industrielle et irréfléchie de l’homme.
-« évidence sociale » : Comment imaginer une paix mondiale durable dans un monde ou autant d’injustices sont volontairement entretenues entre les pays. Comment espérer, dans ces conditions, un vrai bonheur pour l’humanité et pour chacun d’entre nous ?...
Le monde est complexe, et cette complexité ne cesse de s’accroître. Pour évoluer dans ce contexte sans développer des phobies inutiles et prendre sa place de citoyen responsable, l’apprenti adulte doit donc intégrer de plus en plus de savoirs techniques et sociétaux.
Dans ce contexte, on peut regretter l’insuffisance des connaissances de base en sciences (l’ignorance cause de comportements dangereux sur la route, mais aussi de comportements inconscients vis-à-vis de l’environnement où encore vis-à-vis de sa propre santé), mais aussi en philosophie et en histoire (lacunes qui entraîne chez certains la nostalgie d’époques révolues pourtant peu sympathiques !), ou encore en langues et cultures étrangères...
Il faut bien reconnaître que la capacité d’apprentissage d’un individu étant nécessairement limitée, il convient donc de faire des choix.
Entre autres, ne pourrions nous alléger l’apprentissage de la langue maternelle (y compris en en simplifiant la grammaire et l’orthographe objectivement si complexes), au profit de ces nombreuses disciplines insuffisamment traitées ?
Bien évidemment, l’éducation d’un citoyen ne se limite pas aux disciplines scolaires, ni à l’apprentissage des règles de vie en collectivité, des risques de la vie, ou à l’acquisition des bases d’un métier.
L’éducation doit aussi permettre à chacun de se découvrir, de se connaître pour être bien avec soi-même, et pour trouver sa place dans la « grande machine planétaire », ou comme on le dit plus communément, pour simplement s’épanouir.
Parfois, cette recherche de soi pendant la période d’adolescence devient mission impossible dans un cadre familial inexistant ou immergé dans un monde sans « valeur » solide, augmentant ainsi les chances de générer des « mal-être » et autant de difficultés à assumer ultérieurement sa responsabilité de citoyen. Il ne s’agit pas ici de critiquer la complexité des familles recomposées et parfois décomposées, mais de se demander si nous, adultes, faisons bien notre possible pour offrir à chaque enfant les conditions optimum (physiques, psychologiques, culturelles) pour que chaque enfant, chaque adolescent puisse se construire, et participer pleinement au monde de demain.
D’ailleurs, la complexité de la psychologie humaine ne mériterait-elle pas autant d’énergie éducative que les mathématiques ou les langues ? Après tout nous vivons en permanence avec un psychisme que l’on subit souvent quand il ne nous asservit pas !
La société, à l’image de notre propre corps humain, est malade de nos négligences (et pas seulement de celles des autres...). Ce n’est pas de l’auto flagellation que d’en prendre conscience. Le nier relèverait par contre du masochisme, comme un malheureux qui prendrait plaisir à revenir se brûler sur la flamme malgré la douleur...
C’est pourtant ce que nous faisons individuellement et collectivement, en refusant de s’attaquer aux vraies sources des maux rongeant notre société et en niant notre propre responsabilité.
Il semble que la nature humaine soit faite d’excès de confiance en soi (nous transformons le monde sans craindre d’en perdre le contrôle...) et de sentiment d’impuissance, nous amenant à nier notre responsabilité en tout domaine :
Certains se voyant broyés par la machine politique négligeront d’utiliser leur vote, oubliant la fraction de pouvoir qu’il comporte, et la responsabilité qui nous incombe de l’utiliser.
D’autres, se voyant grandir dans un milieu défavorisé oublieront de prendre conscience de leur capacité individuelle et collective à en sortir et à faire évoluer leur propre milieu vers moins d’injustice, se laissant porter par des « parachutes sociaux » nécessairement toujours insuffisants...
Enfin, la plupart d’entre nous nous contentons de profiter égoïstement de ce que l’époque peut nous apporter de confort ou de sécurité (sans parler des financiers spéculateurs, des patrons « gold parachutistes »…) sans chercher à imaginer ce que pourrait être « un monde meilleur » pour les générations futures.
De ce fait, ne sommes-nous pas insuffisamment exigeants vis-à-vis de nos politiciens, sur le plan de la vision et de l’action à long terme?
Les questions très « court terme » posées par les journalistes aux acteurs politiques en témoignent, ainsi que le peu de présence de penseurs et philosophes dans les médias grand publics.